Ardennais et feutré
La légende de la laine feutrée raconte que Saint Clément avait l'habitude de protéger l'intérieur de ses souliers par de la laine. Sous l'action du frottement et de la sueur, la laine s'aggloméra et le moine errant constatant ceci prit des dispositions pour développer une nouvelle technique. Les plus cartésiens ne manqueront pas de rappeler que les premières traces de laine feutrée ont été trouvées en Turquie sous forme de tenture. Et elles précèdent l'ère chrétienne de quelques 6000 années! La technique est devenue emblématique des rudes steppes d'Asie Centrale où elle est très prisée pour sa robustesse et son imperméabilité. Un vent d'Est l'a tout de même poussée en France et la révolution industrielle, gloutonne en énergie naturelle, l'a encrée sur les bords de la Meuse. Plus particulièrement à Mouzon où l'activité feutrière s'est appuyée sur la force hydraulique du fleuve, véritable épine dorsale ardennaise où il serpente en d'incroyables méandres. Cette saga industrielle s'est calmée mais une usine de feutre perdure à Mouzon aux côtés d'un musée fort instructif. A la question de savoir s'il existait des feutriers artisanaux dans le 08, Christophe Deutsch-Dumoulin, le directeur du musée est clair, il faut aller voir Estelle Pasta. Installée à son compte depuis une petite dizaine d'années, Estelle feutre à Ham-les-Moines au pied du massif ardennais. Par une belle journée automnale, nous voilà prêts à assister à la confection d'un chapeau. Devant nous, des mèches de laine mérinos qui seront déposées sur un chablon aux dimensions du modèle. Ce chablon est progressivement enfoui sous plusieurs couches de laine. Mais c'est sous l'action conjuguée de l'eau savonneuse et du frottement que les fibres vont s'imbriquer. Estelle me prévient d'emblée, c'est physique ! Une fois que les fils de laine cessent de se décrocher sous les doigts de la feutrière, Estelle va pratiquer une ouverture dans le chapeau. Pour y enfouir sa tête mais tout d'abord pour ôter le chablon resté à l'intérieur de la boule laineuse. Ensuite place à la frite de piscine ! Toujours à grand renfort d'eau et de savon, le chapeau va être roulé sous les coudes de la feutrière pour gagner en rigidité. Dans le même temps, les fibres se resserrent, rétrécissent et finalement sèchent ! Place ensuite aux finitions, un grand soin est porté aux bords du chapeaux et une fleur sera ajoutée pour la déco. Les matériaux sont simples, les outils peu nombreux mais la technique demande de la patience et un sacré tour de main et de bras. Pour un chapeau confectionné par une pro comme Estelle, il faut compter environ 2 heures et bien plus pour une veste. Puisque la laine va rétrécir de moitié, le travail doit s'effectuer sur une surface de grande ampleur et va engendrer de longues heures de friction !






En savoir plus:
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Le site d'Estelle:
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Le musée du feutre: